World
Skin, safari photo au pays de la guerre
1997
Maurice Benayoun
Musique
: Jean-Baptiste Barrière
Fiche
technique de l'œuvre :
Support
: appareils photo, imprimante, logiciel de réalité virtuelle, système CAVE, 3
murs, sol
Production
: Ars Electronica Center, Z.A Production,
SGI Europe
Packaging
: aucun
Nombre
d'exemplaire : inconnu
Présence
de date : non
Présence
de signature : non
Visibilité
sur internet : http://www.youtube.com/watch?v=I6NRSD7fBTw
Condition
de diffusion et d'exposition : système immersif nécessaire ainsi que munir le
spectateur de lunettes stéréoscopiques
Présentation :
Maurice Benayoun est un artiste plasticien
particulièrement prolifique et considéré comme l'un des chefs de file du monde
de la création numérique. World Skin (safari photo au pays de la guerre)est
considéré comme l'un des évènements majeurs de l'art numérique.
Concrètement, cette œuvre se présente comme une salle
immersive cubique, dont la surface de projection englobe la totalité des 3 murs
et le sol sur lequel le spectateur évolue. Du plafond pendent plusieurs
appareils photographiques dont les déclencheurs ont été modifiés (reliés à des
capteurs magnétiques). Le spectateur a été préalablement muni de lunettes
stéréoscopiques lui permettant de percevoir pleinement le relief de
l'environnement.
Le
public évoluant dans cet espace est actif : les appareils sont mis à sa
disposition, lui laissant le libre choix du cadrage et du nombre de prises de
vues. Mais au moment de la prise de vue, lorsque le visiteur appuie sur le
déclencheur, ce qu'il vient de cadrer disparaît immédiatement de l'image pour
être remplacé par une projection blanche correspondant avec exactitude à la
surface cadrée par le « photographe ». Cette surface est ainsi
enlevée de la base de données virtuelle pour ne laisser apparaître qu'une
ablation de l'image créée par le visiteur. L'appropriation de l'œuvre par
celui-ci est poussée au point où le déclencheur de l'appareil est relié à un
ordinateur imprimant l'exacte prise de vue du « touriste » à la
sortie de la salle, et le visiteur pourra ainsi emporter avec lui son cliché sur
papier.
En
plus d’immerger ainsi le spectateur dans l’image, l’installation World Skin
comporte une importante dimension sonore. En effet, une bande son est présente
et évolue en fonction de la fréquence des prises de vues. Cette matière sonore
en écho avec les éléments visuels transforme petit à petit le bruit du
déclenchement de l’appareil photo en détonation d’arme à feu. Le visiteur est
alors acteur à part entière du drame du monde de World Skin.
L’action du visiteur devenu touriste est ce qui se
joue à travers World Skin : confronté à un paysage chaotique où la
photographie devient une arme s’emparant du monde en le supprimant, il est
amené à se questionner sur son rapport à l’image. Le touriste de World Skin
devient acteur, sortant de sa passivité habituellement entretenue avec son
rapport à l’image.
En
s’appropriant le monde de manière radicale, le visiteur efface un univers déjà
souffrant, et retire au monde ce qu’il désirait posséder pour lui seul en
devenant unique possesseur de l’image. Mais il est alors confronté au résultat
de son action : le spectacle d’un monde amputé.
La
place de l’image dans le monde est ainsi questionnée sous le prisme de
l’appropriation des images comme acte individuel et vide de sens.
Dans
les médias par exemple, tout est mis sur le même plan et l’image de la guerre
devient le lieu d’un spectacle quotidien où la souffrance est donnée à voir
mais dont le contenu a été supprimé et oublié par la distance imposée par
l’objectif de l’appareil. L’image devient vide, hors de sa vérité, anesthésiée.
Le réel est par la photo réduit au champ du cadre
photographique, délaissant une part jugée indigne de mémoire. La photographie
témoigne d’une chose tout en s’en emparant, elle se souvient tout en oubliant.
Ici, le spectateur ravive la douleur du monde qu’il pénètre en supprimant ce
qu’il garde pour lui et mettant ainsi en avant un monde de l’oubli empli de
vide.
Cette
volonté de posséder, cette jouissance individuelle d’une image papier est de
l’ordre de la satisfaction fétichiste de ‘ce qui a été’ et d’une aspiration à
la pérennité du souvenir de l’éphémère, trace d’un monde qui disparait.
Charlotte
Dalia, 2011-2012
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