"Or, pour le numérique, il n'y a pas d'art, ni même de formes sensibles propres à un matériau ou à un instrument. Le numérique opère non pas sur du "n'importe quoi", mais sur du "moins que rien"."

Edmond Couchot et Norbert Hilliaire, L'art numérique, Paris, Flammarion, 2003

15 avril 2013

Crack, Pascal Dombis, 2010-2012

Fiche technique de l’œuvre:

Support: deux écrans montés sur deux moteurs
Réalisation : Pascal Dombis
Date: de 2010 à 2012
Visibilité: Youtube
Exposition et diffusion : iMAL (interactive Media Art Lab) de Bruxelles
Langue d'origine : Français


 L’œuvre que je vais analyser est « Crack » de Pascal Dombis, réalisé en 2012. C'est un artiste français qui a souvent répété que les nouvelles technologies n’étaient pas pour lui une fin en soi et qu’il s’en servait uniquement comme d’un outil lui offrant la possibilité d’imbriquer, d’emmêler, de juxtaposer et de superposer un nombre vertigineux de lignes qu’un travail à la main ne lui permettrait jamais d’obtenir. Il étudie comment l’accumulation perturbe la lecture des images jusqu’à la rendre impossible . En quoi cette œuvre critique t-elle notre société ?

Crack est une installation composé de deux écrans montés sur deux moteurs vibrants. Selon la vitesse des moteurs(aléatoire), le rythme de diffusion des images sera plus ou moins rapide. Pour créer son installation vidéo, l'artiste est allé chercher sur Internet, toutes les images en référence au mot « crack ». Il en a recueilli des centaines de milliers qu'il diffuse sans les trier. Il ne cherche pas leurs particularités ou leurs distinctions mais se préoccupe plutôt de l'effet excessif des images.
Il souhaite que le spectateur reste immobile devant en voyant le flux d'images que Google peut donner pour un seul mot. On relève la mise en abyme du travail de l'artiste, il apparaît une image avec des gens travaillant sur l'ordinateur. C'est ainsi qu’apparaît la vraie signification du travail de l'artiste.
Cet excès de téléchargement d' images "crack" offrent un large éventail: des images de lignes brisées (mur fissuré, fissure de verre), des fissures informatiques et des images montrant des fissures, c'est sur ces images que souvent les moteurs marquent un temps d'arrêt. Ce qui renforce encore la disparité des images, un fossé les sépare, elles n'ont pas de lien direct à part avec le mot « crack ». Toutes les images diffusées n'ont pas de lien entre elles. Seul l'image de fissure nous rappelle le lien dans l’œuvre. Le même travail de l'image se retrouve dans Le Cuirassé Potemkine d'Einsenstein-1925. La scène de la montée des marches par l'armée pour stopper la révolte du peuple est filmée en champ contre-champ, ici rien ne lie la panique du peuple et l'arrivée de l'armée hormis par le plan large du début ; sinon la scène paraîtrait sans fin. Cette diversité souligne bien que l'influence des images empoisonne la société. On peut rapprocher le travail de Nancy Burson, One (Jesus,Buddha,Mohamed)-2003, à celui-ci car à défaut d'utiliser le réseau de recherche le plus diffusé au monde, elle utilise 3 figures majeures de la religion pour en créer une œuvre d'art. En utilisant le morphing où elle joint 3 représentations des figures religieuses, elle met en lumière les points communs entre eux. C'est ainsi qu'apparaît un lien entre eux, ils prennent tous deux des sujets qui parlent aux gens pour en faire une œuvre d'art.
L'artiste a mis ces écrans sur deux moteurs vibrants qui créent la vitesse de diffusion de l'image. Ces vibrations créent un son qui emplit l'espace de l'installation. Au même titre que les images diffusées dans les écrans, le son attire l'oreille et hypnotise. Cette installation fait travailler deux des cinq sens : la vue et l'ouïe. Ce dispositif n'est pas sans rappelé l’œuvre Lumino de l'artiste Nicholas Schoffer (1968) qui installe deux disques en rotation fonctionnant à l'aide de moteurs et une source lumineuse, projetant sur un écran en plexiglas des formes et variations lumineuses hypnotisantes. De plus, l'artiste a mis en place un programme informatique qui permet la diffusion, de manière aléatoire, sur les écrans. Ce programme est monté en montage cut, c'est-à-dire que les images sont diffusés sans modification. Les images diffusées sont bruts.
Le rythme de diffusion des images est capital car la rapidité de diffusion permet à notre cerveau de reconnaître des images subliminales que l'on a déjà vu dans sa vie. Pascal Dombis a su exploité cet aspect en créant son installation « Crack ». En prenant comme base de son projet des images d'Internet, il compte sur le pouvoir et l'impact des images pour faire réagir les spectateurs..
L'originalité de ce projet réside dans le fait qu'il existe depuis 2010, et il n'arrête pas de le renouveler chaque année. Il met à jour les images qu'il recherche chaque année pour le mot « crack ». Ces nouvelles images permettent de concerner tout le monde. 
Pour conclure, je citerais l'artiste lui-même qui définit son travail « En fin de compte, l'installation "Crack" fonctionne comme un projectif mental. La variation de la vitesse de l'image et des variations de physique de l'écran - avec le bruit mécanique produit - donne accès à de nombreux spectateurs les sensations possibles: vertige, empressement, l'infini, l'évanouissement, et peut-être même un sentiment de déjà-vu. Il permet au spectateur de plonger lui-même dans les fissures de notre temps. ».


 Ludovic DESBAS, 1ère année de licence, 2012-2013