"Or, pour le numérique, il n'y a pas d'art, ni même de formes sensibles propres à un matériau ou à un instrument. Le numérique opère non pas sur du "n'importe quoi", mais sur du "moins que rien"."

Edmond Couchot et Norbert Hilliaire, L'art numérique, Paris, Flammarion, 2003

15 mars 2012

Benayoun (Maurice), World Skin, 1997 (Second Exposé)


Maurice Benayoun – World Skin, un safari photo au pays de la guerre, 1997. 






World Skin est une installation vidéo-projeté en 3D (avec des lunettes), qui représente une guerre (avec des immeubles démolis, des chars d'assaut, des combats, des soldats blessés, des tirs d'artillerie etc.) en images fixes. Elle est projetée sur un seul « écran » ou plusieurs (cela comprend les murs, parfois même le sol et le plafond). Une personne tient une manette qui permet le déplacement dans l'oeuvre. Des appareils photos sont mis à disposition et reliés à des ordinateurs afin que chaque spectateur puisse prendre des photographies de l'oeuvre tout en s'y déplaçant, cependant chaque photographie transforme l'espace ciblé en espace blanc, qui ne retrouve sa couleur d'origine qu'à l'entrée du nouveau groupe de visiteurs.

Ce « safari au pays de la guerre » nous propose une traversée d'un champ de bataille tel un safari dans les savanes d'Afrique : nous sommes immergés dans cet environnement dangereux, alors que nous sommes totalement protégés, nous pouvons le visiter, l'observer, le prendre en photo, en sachant qu'il ne nous arrivera rien, alors qu'il s'agit d'un des lieux les plus horrible qui soit. Le fait que les couleurs disparaissent montre toute la violence du geste, « prendre une photo » se traduisant par « shoot » en anglais, qui signifie également « tirer », nous pouvons imaginer l'appareil photo comme une arme, médiatique par exemple, car les médias sont là pour nous dire ce qui se passe, qu'ils vrai ou non, nous pouvons rarement vérifier leurs informations, donc nous sommes presque forcés de les croire, même des photos peuvent être trafiquées ; cela peut aussi être une arme contre des personnes, par exemple les personnalités qui sont sans arrêt harcelées par tous les photographes. D'un point de vue culturel, la photographie peut avoir de très graves conséquences : dans certains pays, la photographie était très mal vu car prendre quelqu'un en photo signifiait lui voler son âme,(ce qui pourrait s'apparenter à l'espace blanc après la prise d'une photo dans l'oeuvre), ce qui montre à quel point ces appareils peuvent être violents.

Nous pouvons voir dans cet œuvre une critique des jeux-vidéos, c'est sur ce point que je vais me concentrer. Les producteurs de jeux-vidéos, pour intéresser leur publique, n'hésitent pas à créer des jeux sur des contextes violents (fin du monde, chaos, conflits minimes, guerres). Cependant, contrairement à cet œuvre, les jeux-vidéos ne cherchent pas à recréer exactement l'ambiance des conflits, surtout au niveau des sons : cela pourrait créer un malaise tel chez les joueurs qu'ils ne chercheraient pas à continuer (ce qui n'est plus vrai aujourd'hui). Cet œuvre ne cherche donc pas à cacher ce qui pourrait déranger le visiteur, mais montre bien ce qui était, comme un témoignage.
Pour continuer de parler des jeux-vidéos, je vais amener une vision plus personnelle, étant moi-même joueur, c'est une des raisons qui m'a poussé à choisir cet œuvre. Tout d'abord, je trouve ce dispositif bien pensé : montrer aux spectateurs une scène passée grâce à un dispositif 3D qui rappelle les films, les jeux-vidéos, et qui nous rappelle également que ces loisirs ne cherchent pas à être vraisemblants, contrairement à cet œuvre. Les premiers jeux-vidéo nous montraient des hommes qui, lorsqu'ils mourraient, criaient un peu (ou pas du tout) puis disparaissaient sans aucun réalisme, cependant, plus les années passent, et plus les jeux tentent de s'approcher de la réalité, au niveau sonore, visuel, ou au niveau des interactions. Les jeux-vidéo, comme cet œuvre, nous amènent dans un contexte dont on connaît l'histoire (une guerre mondiale par exemple), mais aucun des deux ne nous montrent des hommes avec leurs familles, seulement des soldats qui sont là pour se battre, et qui vont certainement mourir. Cependant, les jeux-vidéo nous disent que ces soldats veulent être au combat et qu'ils vont mourir virtuellement grâce à nous (oui, « grâce à nous »), tandis que cet œuvre nous laisse penser que ces soldats ont chez eux une femme et des enfants, et qu'ils vont probablement mourir ici et tout perdre (sans parler des conséquences pour leur famille), à cause d'une décision qui a été prise sans leur consentement. Depuis que j'ai étudié cet œuvre, ma vision des personnages dans les jeux-vidéo à changer, je me suis même dit parfois que je ne devrais pas tuer tous les gardes par exemple, je ne m'étais pourtant jamais posé la question de l'identité des personnages dans les jeux : un garde et un garde, un ennemi restera un ennemi, car c'est ce qu'on nous présente dans ces jeux. Je pense donc que cet œuvre est une bonne idée pour nous rappeler que la guerre n'est à la base pas un jeu, mais quelque chose de violent, avec des individus qui sont là car ils obéissent aux ordres, et qui vont certainement laisser une famille derrière eux, et qu'ils ne vont pas tuer des hommes et mourir par plaisir.




Référence


Rebecca Allen, Coexistance, 2001.


Installation interactive connectant deux personnes par ordinateurs, chacune portant un casque-lunettes leur montrant leur environnement ainsi que des éléments virtuels. Interaction sensorielles comprenant le toucher, la respiration, qui interagit avec l'autre personne, et qui mélange au final la présence humaine, les formes virtuelles et l'espace.

Coexistance est une installation interactive en duo. Les deux personnes possèdent un casque-lunettes et une manette, tout cela relié à un ordinateur. Les lunettes leur permettent de voir la pièce dans laquelle ils sont ainsi que tout ce qui s'y trouve. Suivant les interactions avec la manette, le regard de la personne (si elle regarde un mur, par terre, la personne en face d'elle), la respiration également, apparaissent alors des éléments interactifs directement dans les lunettes, qui se transforment selon ces mêmes conditions. Cela prend donc en compte la présence de l'humain, l'espace, et les formes virtuelles.


Langumier Mathieu, L2, 02/12/2012
(la date ayant été modifié pour regrouper les deux exposés).

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