"Or, pour le numérique, il n'y a pas d'art, ni même de formes sensibles propres à un matériau ou à un instrument. Le numérique opère non pas sur du "n'importe quoi", mais sur du "moins que rien"."

Edmond Couchot et Norbert Hilliaire, L'art numérique, Paris, Flammarion, 2003

23 novembre 2012

Schöffer (Nicolas), LUMINO, 1968


Oeuvre : LUMINO.
Artiste : Nicolas Schöffer.
Année de création : 1968.
Support : Vidéo, sur un moniteur (écran), fabriqué par PHILIPS France.
Médiums : Moteurs, projecteurs revêtus de métal peint en noir, écran en plexiglas.
Dimensions : Hauteur -> 23.5 cm. Largeur -> 26 cm. Profondeur -> 21.5 cm.


Présentation de l'artiste.

Nicolas Schöffer est un sculpteur et plasticien français d'origine hongroise. Il naît à Kalocsa, en Hongrie en 1912, et meurt à Paris en 1992. Il est l'un des principaux acteurs de l'art cinétique, mais surtout de l'art cybernétique, appelé aujourd'hui Art interactif.

Nicolas Schöffer.

D'abord peintre, puis sculpteur, urbaniste, architecte, théoricien de l'art, il est avant tout un chercheur curieux de nouvelles technologies. Il s'intéresse donc aux techniques de son temps, permettant de constituer ses oeuvres les plus connues, qui sont aussi les premières du genre "numérique" ou "électronique".

Pour Schöffer, la cybernétique, élément essentiel de son oeuvre, est "la prise de conscience du processus vital qui maintient en équilibre l'ensemble des phénomènes".

Dès 1948, avec le spatiodynamisme, Schöffer exploitera le principe de l'intéraction, selon lui, "l'intégration constructive et dynamique de l'espace dans l'oeuvre plastique". Ses recherches le mèneront, dans les années 1960, à produire des sculptures intégrant des travaux sur l'espace, la lumière et le temps, comme la série Lux (1957), jusqu'au fameux Chronodynamisme dans les années 1970, en passant par Lumino, créé en 1968.

L'architecture et l'urbanisme lui permettent de donner naissance à de l'art total, une ville cybernétique.
On note également deux de ses oeuvres, qui opèrent dans un processus similaire : la Tour Cybernétique (tour mesurant 52 mètres de haut), et le Mur Lumière (mesurant 80 mètres de long). Ces sculptures numériques sont exposées dans la ville de Liège, en Belgique.


Le Mur Lumière (à gauche), et la Tour Cybernétique (sur la droite),
à Liège.

Présentation et analyse de l'oeuvre.

Couleurs, lumière et mouvement.
Le Lumino, né de l'imagination de Schöffer, est le symbole de ces trois éléments. De son Mur Lumière, esthétique et créateur d'ambiance, Schöffer a voulu faire un objet de rêve ayant partout sa place.


Lumino, N. Schöffer - 1968.
(Lumino 1968, Photo courtesy Galerie 47.)
Lumino, N. Schöffer - 1968
Deux disques en rotation fonctionnant à l'aide de moteurs et une source lumineuse, projettent sur un écran en plexiglas des formes et variations lumineuses que beaucoup pourraient qualifier "d'hypnotiques". Les couleurs qui subissent les variations au même titre que ces formes s'intègrent avec subtilité et dynamisme dans cette interaction cinétique.
Une interaction que l'oeuvre entretient certainement avec le spectateur. Le moniteur arrive à recréer cette ambiance psychique du rêve. Tout est calme, les formes se baladent, se déforment, les couleurs se voilent, mais aussi se dévoilent, comme actrices de bonne humeur, de bien-être et d'apaisement.

Lumino se regarde presque comme pourrait s'écouter une musique, voire que des notes, résonnant en écho, ou saccadées par les motifs cinétiques, et laisserait donc place à l'interaction et la relation qu'entretient le spectateur à ces images projetées. Des images colorées, aux formes organiques, parfois aléatoires...

Extrait d'une vidéo, montrant les images produites par Lumino.
Lien YouTubeLumino, 1968 - Nicolas Schöffer.

C'est sans doute, l'oeuvre d'art qui a révolutionné la notion de multiple. A la fin des années 1960, ayant collaboré avec PHILIPS France, pour des oeuvres motorisées comme CYSP (1956), Schöffer réunit pour la première fois dans l'histoire de l'art, les capacités techniques et productives d'un grand groupe industriel et le génie créatif de l'artiste.
Il détient à ce moment une occasion unique de part sa position respectée sur le marché de l'art dans une époque favorable aux bouleversements intellectuels, et de ses fonction de "directeur artistique", de mettre en pratique à l'échelle industrielle ce qui lui tient à coeur, c'est-à-dire mettre l'art au service de l'homme.

Le projet de fabrication du Lumino débute alors et les ingénieurs de PHILIPS construisent, d'après les maquettes et les recherches de l'auteur, une curieuse petite boîte en forme de télévision miniature.

Le moniteur fabriqué par PHILIPS, servant de
base à l'oeuvre de Schöffer.
Pour la première fois, un artiste a voulu s'associer à une grande entreprise, c'est aussi la première fois qu'une oeuvre à été conçue industriellement. En demandant à PHILIPS de produire le Lumino, Schöffer a voulu faire pénétrer un plus grand nombre de personnes dans son univers cybernétique.
Ce sculpteur de lumière, ce cybernéticien reconnu dans le monde, a créé une oeuvre agissant sur la sensibilité artistique, sur le comportement psychologique, voire physiologique du spectateur ; en effet, avec le Lumino l'artiste nous offre un spectacle sans cesse renouvelé, en continuité dans le temps, et pour chacun, unique.
Cette synthèse de la couleur, de la lumière et du mouvement est le symbole d'une nouvelle interaction, voire une réconciliation entre l'homme et l'art.
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Cet art interactif est désormais présent dans l'art contemporain. C'est ce qu'a voulu montrer le groupe de designers Architects Of Air, en créant les structures Luminarium, en 2006.
Luminarium est un ensemble de structures éphémères gonflables, pouvant accueillir un public à l'intérieur. Ces espaces font office de villes interactives, et comme son nom l'indique, les structures sont visibles de nuit, grâce à des jeux de lumières et des formes différentes des bâtiments classiques.

Vue extérieure de Luminarium.

Vue intérieure de Luminarium.
Pièce principale à l'intérieure de Luminarium.
Ces structures ont pour but de livrer au public, le pouvoir des couleurs et des lumières, à travers un univers inconnu et totalement décalé. On y retrouve des personnes allongées, qui se relaxent, se reposent, lisent un livre... Les spectateurs se livrent au jeu de l'interaction, mais surtout à une expérience sensorielle, et sont en immersion complète dans ce monde où règne le calme, l'apaisement, le rêve.


Un autre artiste aura exploité le processus d'art cybernétique, le sculpteur québécois, Maurice DEMERS.
Il crée Futuribilia, une sculpture déployée, qui s'agrandit et devient par la suite, architecture éphémère, voire urbanité.

Futuribilia, M. DEMERS - 1968
Ici, c'est l'être humain qui fait l'oeuvre, ce qui rend la sculpture active, elle en devient "vivante". L'homme effectue des expérimentations en continue pour interagir et faire vivre le dispositif, qui est d'ailleurs, la première cyberplanète à l'échelle mondiale.

L'art cinétique et cybernétique trouve aussi ses origines depuis le mouvement futuriste apparue au début du XXe siècle, avec notamment des artistes reconnus aujourd'hui comme Marcel Duchamp, Alexander Calder, et ceux du contemporain comme Marina Abramovic, Jean-Robert Sedano ou encore Solveig De Ory.

Steve ABODO ALINGA (2012-2013)















1 commentaire:

  1. Bonjour,
    Vous avez utilisé une photo (le lumino avec cadre chromé ) dans cet article qui est protégée par le copyright sans autorisation de son auteur, merci de la légender comme suit :
    Lumino 1968, Photo courtesy Galerie 47.
    ou ne la publiez pas...
    Le web est un espace merveilleux de culture et d'échanges, il suffit de demander.
    Galerie 47
    http://www.galerie47.com/LUMINO

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