"Or, pour le numérique, il n'y a pas d'art, ni même de formes sensibles propres à un matériau ou à un instrument. Le numérique opère non pas sur du "n'importe quoi", mais sur du "moins que rien"."

Edmond Couchot et Norbert Hilliaire, L'art numérique, Paris, Flammarion, 2003

24 novembre 2012

Shaw (Jeffrey), EVE, 1993

Jeffrey Shaw est né à Melbourne en Australie en 1944. Il est considéré comme l'un des plus grands chercheurs dans le domaine du cinéma numérique multimédia. Il a étudié l'architecture et l'histoire de l'art à Melbourne, puis la sculpture à Londres. Depuis 1991 il est directeur d'un institut des arts visuels de Karlsruhe. Parmi ses oeuvres faisant référence on peut citer The Legible City (1989), The Virtual Museum (1991). Désormais il vit et travaille à Hong Kong.


EVE est une installation cinématographique interactive. C'est une nouvelle forme de visualisation interactive. Le spectateur est en immersion totale. C'est un appareil de réalité virtuelle. Dans le centre d'un grand dôme gonflable de 12m de diamètre, deux projecteurs vidéo sont montés sur un dispositif d'inclinaison motorisée (comme un bras robotisé, cf. la photo ci-dessus) qui peut déplacer l'image projetée n'importe où sur la surface intérieure du dôme. Les deux projecteurs vidéo présentent une paire stéréo d'images - les spectateurs portant des lunettes peuvent voir les images projetées en trois dimensions.


Le visiteur porte un casque avec un dispositif attaché qui identifie la position et l'angle de sa tête. Cela contrôle le positionnement de projecteurs vidéo pour que l'image projetée suive toujours la direction du regard fixe du visionneur. De cette façon il peut se déplacer, et le cadre avec la vidéo à l'intérieur fait surface dans le dôme et explore en mode interactif les scénographies virtuelles créées par ordinateur qui sont présentées là. Un levier de commande permet aussi de contrôler le mouvement dans l'espace virtuel environnant. Si la fresque filmique est virtuellement présente sur l'intégralité de la surface du dôme, seule la zone vers laquelle se focalise le spectateur se dévoile visuellement et auditivement.

Avec le procédé de cinéma interactif EVE, les spectateurs choisissent ce qu'ils veulent voir d'un film dans lequel ils sont immergés. À la fois cadreur et monteur de chaque projection, aucun des spectateurs ne voit le même film. La sensation obtenue rappelle la découverte à la torche des peintures de Lascaux, à ceci près que les images bougent. Les oeuvres créées pour le EVE sont entre autre Si Poteris Narrare de Jean-Michel Bruyère (2002) et Perm de Ulf Langheinrich (2003). C'est ce que Jeffrey Shaw a désigné comme "l'émergence d'une multi temporalité dans laquelle les actants font l'expérience des conséquences de leurs propres actions, de toutes celles qui les ont précédées, mais aussi de leurs transmutations, réécritures, réincarnations".

Ici, l'artiste est effacé, c'est un dispositif où d'autres vont s'inscrire, le public en général. On pourrait dire que l'artiste devient créateur de contextes plutôt que de contenus. La position du spectateur n'est plus la même non plus, il devient un élément et un matériau de l'oeuvre. Pour qu'il y ait interactivité, il faut que l'oeuvre repose sur un programme informatique. L'interactivité s'inscrit dans la suite logique de la nature de l'oeuvre numérique. L'oeuvre numérique est un objet manipulable. L'oeuvre interactive est un objet numérique manipulable en temps réel par quelqu'un ou quelque chose d'autre que son créateur.

Comme référence, j'ai choisi de vous montrer Interactive Plant Growing de Christa Sommerer et Laurent Mignonneau en 1992. C'est aussi une oeuvre multimédia interactive. Dans cette installation, les visiteurs peuvent interagir avec des plantes artificielles. En s'approchant ou en touchant de vraies plantes, le visiteur peut initialiser et contrôler la pousse des plantes de synthèse projetées sur un grand écran.


Ma seconde référence est de Dick Groeneveld, The Narrative Landscape de 1985 (il a d'ailleurs travaillé avec Jeffrey Shaw). Les spectateurs sont debout sur un balcon où un joystick leur permet de prendre n'importe quelle direction latérale sur la surface de ses images et de faire un zoom sur une partie choisie d'une image. Aux extrémités des images il se produit une transition numérique dune image à une autre. 


Laurine VALLON (2012-2013)




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