"Or, pour le numérique, il n'y a pas d'art, ni même de formes sensibles propres à un matériau ou à un instrument. Le numérique opère non pas sur du "n'importe quoi", mais sur du "moins que rien"."

Edmond Couchot et Norbert Hilliaire, L'art numérique, Paris, Flammarion, 2003

12 novembre 2012

Vom Bruch (Klaus), La bande duracell, 1982


Vom Bruch (Klaus), La bande duracell, 1982
 
Fiche Technique:
Titre: La bande Duracell
Artiste: Klaus Vom Bruch
Date: 1982
Support: Bande video
Visibilité sur internet : http://www.youtube.com/watch?v=BUEWfJYwCWc
Durée : 10'

      Klaus Vom Bruch est un artiste Allemand qui va se pencher sur le travail des nouveaux médias. Il travaillera principalement à Los Angeles et à Munich. La bande Duracell, datant de 1980 fait partie d'une série appelée « Les durs et les mous » qui comporte 3 autres vidéos La bande Propeller de 1979, La bande Softie de 1980 et La bande des alliés de 1982. Ces vidéos ont pour thème commun la perversion de la guerre et le contexte politique des années 70. Comment par la coordination de l'inconscient et du montage, d'images publicitaire et d'images d'archives, l'artiste traduit une violence ?

    On a une confrontation entre un spot publicitaire et des images d'archives du bombardement atomique de Nagasaki datant du 9 août 1945. Un collage d'image qui n'a aucun lien si ce n'est deux systèmes qui ont une mise en place de mécanisation. L'utilisation de cette publicité et la façon de la détourner de son usage premier créer ici la critique d'une société envahie par l'image publicitaire. Son détournement est très important, ce choc accompagné de ce son en devient désagréable voir insupportable. C'est un travail de réalité sociale que l'artiste nous propose.
Dans cette vidéo nous distinguons des messages subliminaux. Ce sont des phrases en allemands qu'on peut apercevoir. Comme par exemple à 5'23, c'est inscrit « Hält bis zu 4 ma längen » ce qui veut dire « Peut contenir jusqu'à 4 longueurs » ceci nous rappelle les publicités de duracell. Un message subliminal rappelons le est perçu au dessous du niveau de conscience, donc perçu par le cerveau du spectateur mais inconsciemment. Ici on peut tout de même le voir sans pouvoir le lire. Comme S'il voulait être vue. Ceci peut être interprété comme une dénonciation des pratiques de publicités et même ici à la propagande en temps de guerre. C'est une critique d'une culture et d'une société, qui peut être retrouvé dans le travail de Max Almy avec Perfect Leader de 1988 ou ce dernier peint à l'aide d'une vidéo la critique de l'impact de la technologie et de la télévision sur le consommateur. http://www.youtube.com/watch?v=yOJBcJZoV58

Ce n'est pas l'image en elle même qui est violente ; mais toute une construction autour de celle-ci. Nous avons une succession d'image au rythme très rapide qui va s'accélérer parfois. Nous avons également une répétition des plans qui va donner à cette vidéo un aspect de collage dynamique. Ceci crée une vidéo montage très contrasté qui devient hypnotique. Le cinéma de Eisenstein relève de la même volonté d'oppression et de gêne par rapport aux spectateurs. Il va montrer des parties de film très violentes ceci fait par un rythme excessivement rapide.
Ici, nous avons comme image principale la pile avec une notion de charge et de décharge puisque celle-ci s'emboîte et se dés-emboîte en continue. Cette dernière s'assemble avec un bruit de craquement, très désagréable à l'oreille. Ce son est le chargement d'un obus avant le tir. Cette image devient une action violente, ce qui est possible par le son et la juxtaposition de réelles images violentes ; qui est ici la destruction de Nagasaki. Les sons viennent se compléter à l'image plus on avance dans la vidéo. A la dernière intonation du « craquement », la main du tireur ou la main de l'artiste, cela dépend des plans, bougent au même rythme. Cela en devient un signe de main qui vient déclarer le départ, ou le commencement de quelque chose. Nous avons une réelle narration qui se met en place. Cette violence va aller crescendo, c'est l'image de la fin qui nous fait comprendre cela. La dernière image figurative est une victime de la bombe nucléaire. Un jeune garçon de profil et de face qui nous montre un visage blessé. C'est à ce moment là qu'on devient témoin de cette destruction. La violence de cette image peut se traduire comme une chute dans la narration. La où le bombardier, le nuage de fumée, la ville détruite nous emmène, c'est à dire à la mort d'innocent. Il commence par la fin puis nous raconte l'histoire. Dans la même idée nous avons le travail de Paul GARRIN, Free society, de 1988. Cette vidéo reprend le principe de violence dans l'image, ainsi que dans l'accélération du rythme et d'un son désagréable. En revanche, dans cette vidéo Paul Garrin raconte une histoire plus visible et qui ne fait pas forcément appel à la mémoire collective.
La relation spectateur, œuvre est très important ici. C'est d'une certaine manière le spectateur qui va créer son histoire à partir d'éléments donnés par l'artiste et bien sur d'une mémoire collective qui permet une reconnaissance de ces faits. Tout d'abord nous avons un rapport étroit entre l'artiste et le spectateur. En effet, Nous avons à plusieurs reprises l'image d'une personne qui porte sa tête entre ses mains. Cette personne n'est autre que Klaus Vom Bruch lui même, enregistré lors d'une action à la 11° Biennale de Paris en 1980. Cette incorporation engage encore plus l’artiste, l'image montre que celui se questionne, le montre dans sa réflexion. Cette position de corps peut dire d'autre chose. Celui-ci pourrait se cacher par honte de quelque chose, c'est une forme aussi de désespoir et d'abattement. Bien évidemment on comprend cela par rapport à ce qui se passe sous nos yeux. La destruction de la ville de Nagasaki par une bombe nucléaire américaine. Il y a également, une possibilité d'identification du spectateur par rapport à cette représentation. L’identification et l'histoire du spectateur peut se rapprocher des performances faites par Nikki de Saint Phalle les « tirs » de 1961 où elle installe des éléments comme chemise et cravate de ses anciens compagnons, afin de tirer dessus à la carabine. C'est de la peinture qui va être projeté. Le spectateur va être invité à faire de même en se constituant mentalement son histoire et ses souvenirs propres. Le son n'est pas neutre non plus, celui-ci est répétitif et désagréable en plus des superpositions d'images. Il vient perturber le visionneur en rejouant la répétition sur l'image et sur le son. C'est une forme d'acharnement qui va en ressortir comme l'a été l'acte de Nagasaki.

   C'est ainsi, que dans cette vidéographie, les images publicitaires et les images d'archives fusionnent ensembles. Les formes répétitives créaient un lien, ce qui ne va pas être épargné par la narration. Klaus Vom Bruch arrive à rassembler deux idées dans un contexte politique de guerre froide, pour n'en créer qu'une, l'acharnement. Que ce soit à un niveau publicitaire ou politique. Cet acharnement est rendu plastiquement par le choix de la représentation et la mise en place de celle-ci.

Lebourdais Iana  2012-2013







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