"Or, pour le numérique, il n'y a pas d'art, ni même de formes sensibles propres à un matériau ou à un instrument. Le numérique opère non pas sur du "n'importe quoi", mais sur du "moins que rien"."

Edmond Couchot et Norbert Hilliaire, L'art numérique, Paris, Flammarion, 2003

11 décembre 2012

Mondot (Adrien) & Bardainne (Claire), Spectacle 2010



Fiche technique de l'œuvre:
Support: programmation numérique et projection au sol et mur lors de spectacle vivant
Production: Adrien Mondot & Claire Bardainne
Packaging: sans
Présence de date: 2010
Visibilité sur internet: http://www.am-cb.net/
Condition de diffusion et d'exposition: spectacles
Langue d'origine: français

Le travail d’Adrien Mondot et de Claire Bardainne propose une rencontre entre le spectacle vivant et les arts numériques. Leurs spectacles, propositions et expositions sont tous issus d’une confrontation entre le réel et le virtuel, entre le vivant et le fictif.
Images de synthèses en 3d, capteurs de mouvements et interactivité sont autant de possibilités qu’offrent le numérique aujourd’hui à ces artistes de la scène. La scène, c’est là où se déroule la fiction, c’est là où s’agite la magie pour quelques heures. La salle de spectacle comme celle de cinéma, est le lieu de rencontre entre rêve et réalité, le lieu où le spectateur oublie SA réalité pour mieux vivre le rêve. Un espace nouveau est ouvert, un espace qui s’offre entre l’ouverture et la fermeture des rideaux, un espace hors du temps, des histoires qui se racontent dans lesquels le temps est contracté, étiré, différent. Un film de deux heures dure la vie entière d’un héros, que nous semblons vivre comme telle. Un spectacle qui se déroule dans un lieu imaginaire comme une forêt ou un désert, est réel le temps de sa durée scénique. La scène est comme une mise en abyme de notre monde, c’est un tableau dans un tableau, un espace dans un espace. Depuis toujours, le théâtre, le cirque, la danse, la musique, la peinture et la littérature nous transportent dans d’autres lieux. Ce sont des moyens de décloisonnement entre le rêve et notre réalité. Comment par l’insertion de ces nouvelles technologies dans le monde de la scène, Adrien Mondot et Claire Bardainne, vont-ils  aller encore plus loin ? Bousculer toutes notre perception de l’espace, des espaces, du temps et des temporalités ? Comment les frontières entre le réel et le virtuel vont-elles-êtres poussées jusqu’à leur maximum ? Quelles relations l’individu entretient-il à son environnement grâce à l’interactivité ?
Le processus de leur travail est finalement assez simple, en passant par la danse ou le jonglage, Adrien Mondot et Claire Bardainne explorent simplement l’univers du décor avec des médiums numériques. Il ne s’agit plus de créer des décors en carton-pâte ou en bois, tout est numérisé et programmé. Pourtant au-delà de projeter un paysage sur un écran de fond par exemple, Adrien Mondot et Claire Bardainne grâce au logiciel qu’ils utilisent, e-motion, le « décors » numérique n’est plus juste une toile de fond mais un véritable lieu d’échange entre le corps et la projection.
Dans tout leurs spectacles, le dispositif numérique est le même, il s’agit de la projection d’une animation programmée sensible aux signaux du monde réel, au sol et sur un écran frontal. La personne qui performe sur scène, évolue dans un univers virtuel et interagis avec celui-ci. Plastiquement, le duo de programmateurs n’utilise pas d’images issues du monde réel mais uniquement des images de synthèses. Les lettres et les paysages modelés sont deux formes plastiques qui surgissent souvent dans leurs travaux. L’univers est poétique, éphémère, mobile, organique, aléatoire.
L’esthétique de leur travail est particulièrement connotée à une iconographie de l’espace au sens cosmologique du terme. Une référence qui ne semble pas hasardeuse pour ces artistes, puisque s’il y a bien un espace qui reste à l’heure actuel toujours irreprésentable pour l’homme c’est bien celui du cosmos. Une iconographie existe déjà belle et bien, mais elle reste limitée car nous ne savons rien de l’espace qui se trouve au-delà de notre galaxie, la notion d’infini nous reste inconnue.
Pourquoi représenter l’espace ?  Serait-ce une manière de le maîtriser ? De se l’approprier, de mieux le comprendre ? Les questions de représentation de l’espace soulevées par Adrien Mondot et Claire Bardainne ne sont pas des questions de plasticiens uniquement, mais également celles des scientifiques, des intellectuels, des politiques, des religieux. Ce sont les questions des hommes : où sommes-nous, qu’est-ce que cela peut-il bien être ? L’universalité de ces questions propres à toutes les civilisations, croyances et sciences, est un excellent moyen de justifier le croisement des disciplines dans la pratique de la scène numérique. La science et l’art se complètent et s’entre-aident dans la recherche de réponses aux mêmes questionnements.
Adrien Mondot et Claire Bardainne interrogent les questions de l’infiniment petit et de l’infiniment grand, autant de questions posées par la science, une association qui semble donc pertinente.

La spécificité du travail des deux artistes réside en particulier dans l’utilisation d’un logiciel appelé e-motion, programme informatique d’animation en temps interactif. Il permet de créer des interactions entre les images projetées et le mouvement humain issu du monde réel.
Notre corps est l’outil qui modifie l’espace grâce au dialogue entre celui-ci et la machine. Il s’agit du même principe dans les spectacles de Mondot et Bardainne, le corps dialogue avec la machine pour modifier un espace, créer un espace. Il agit comme un pinceau vivant, dont les mouvements peignent un décor. (Réf., Anthropométries, Ives Klein, 1960). Mais n’est-ce finalement pas toujours ce qu’a été le corps vis-à vis de l’art ? Un outil qui détermine la trajectoire et la prise de forme d’une matière ? La peinture prend forme grâce à la main qui dirige son trait, la sculpture nait du mouvement des mains donné à la matière. Finalement la pratique de la scène numérique ne serait-elle pas une pratique de la sculpture d’un espace dont la matière est simplement virtuelle ?
(Réf., Chunky Moove, Glow, biennale de la danse de Venise, 2010)

Emily Evans (2012-2013)




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