Capture image de Juste le temps, Robert Cahen.
Fiche technique de l'oeuvre:
Titre: Juste le temps
Direction: Robert Cahen
Production: INA
Année: 1986
Support: vidéo
Durée: 12' 45''
Visibilité sur internet: Lien vidéo Juste le temps
Présentation:
Cette
composition filmique amène le spectateur dans un univers étrange, le temps d'un
voyage à bord d'un train. Le récit est le suivant: une jeune femme lit et
s'endort à l'intérieur d'une cabine de train, puis elle se met à rêver à un
homme, avec en parallèle la vision par la fenêtre du paysage extérieur. Comment
Robert Cahen traite-t-il le thème du rêve à travers cette vidéo ? Quels jeux
emploi-t-il afin de faire voyager le spectateur entre le réel et l'imaginaire ?
Au début de
la vidéo, le paysage parait tout à fait normal, puis plus on avance dans le
visionnage, plus on découvre un paysage déformé, avec des reliefs liquéfiés,
absorbés, par des effets de vagues, ne formant que des lignes et des courbes.
Cette disparition de la figure rappelle le travail de Kandinsky et ses toiles
abstraites, où il fait la distinction entre l'espace apparent et l'espace réel,
espace propre au tableau et espace renaissant. Par un rapport différent du réel
et de l'image, le monde du rêve est abordé grâce à ce traitement du paysage. Le
travail de la couleur est important tout au long de la vidéo, puisque ses
dernières deviennent saturées et surchargées, en décalage totale avec la vision
du spectateur dans un monde réel. De plus, l'artiste joue sur un système
d'accélération et de ralenti, de répétitions et de marche arrière dans le
traitement de l'image. Une différence est alors créée entre les scènes
extérieures ( vue de la fenêtre sur le paysage, accélération comme celle du
train ) et les scènes intérieures ( ralenti sur les actions de la femme et de
l'homme ), confrontant ainsi un espace réel ( celui du train ) et un monde
imaginaire ( celui du rêve ). Le traitement de l'image par rapport au son reste
le plus visible dans son oeuvre. Sa façon de décortiquer, d'organise l'image
rappelle celle du son, où les deux communiquent, fusionnent, s'entrecroisent,
pour que l'un produise l'autre et inversement. Un exemple fonctionnant sur le
même principe est l'oeuvre de Nam June Paik en collaboration avec Charlotte
Moorman, TV Bra for living sculpture, 1969, où les actions de Paik
dépendent de la musique jouée par Moorman. Les gestes sont indissociables de la
musique.
Cet ambiance
onirique emportant le spectateur va amener à des interventions concernant le
temps et le mouvement de l'image. La vitesse devient un véritable médium, qui
sert la vidéo. Les accélérations font du paysage une seule et même liquidité,
alors que les ralentis permettent de poser le temps du rêve, le temps qui passe
pendant le rêve de la femme. D'ailleurs, l'homme est traité de façon à ce qu'il
ne forme qu'une silhouette propre à l'incompréhension d'un rêve. On ne sait pas
si les deux personnages se rencontrent ou non, s'il ne s'agit que d'un rêve.
Seulement, à l'apparition de l'homme succède une émergence de sons du monde
réel (voix, rires ). La coupe nette à la fin de la vidéo ne nous avance pas
plus, pour montrer que ce n'est pas le récit qui importe pour l'artiste mais le
temps qui vient de passer. Ce travail sur différentes temporalités rappelle
celui de On Kawara et ses Date Paintings, monochromes qui, depuis 1966,
ont leur date de réalisation peinte dessus. Ceci montre que le temps continue
de se dérouler et que seul l'artiste connait la trajectoire temporelle de ses
toiles.
Avec ce
travail du rêve par la vitesse, celui du mouvement lui apporte aussi un sens.
Le défilement du paysage du début de la vidéo, qui continue tout au long, se
transforme petit à petit en un ensemble de lignes et de courbes, rythmé par le
train, malléable comme de la matière, proche du rêve. De plus, la musique et
les sons structurent le récit, avec des particularités pour les différents
plans, qui finissent par s'entremêler et déborder pour lier les images.
L'artiste ajoute à cela un jeu entre intérieur et extérieur, exposant un
paysage déferlant par la vitesse et un intérieur de train où tout tourne au ralenti,
qui des fois se parlent autrement que par la musique ( reflet du soleil à
l'intérieur ). La fin de la vidéo apporte des éléments du monde réel au temps
du rêve de la femme, où l'image sursaute. On retourne progressivement vers le
sol, les rails du train ( en écho avec la vue du ciel au début = rêverie ),
montrant qu'il existe bien un lien entre le passage/mouvement du train et le
passage du temps. Fernand Léger, dans son Ballet Mécanique, 1924, joue
sur cette image-mouvement où les formes et les couleurs donnent du mouvement
aux objets.
Rien n'est dû
au hasard dans son oeuvre. Tout est coordonné pour montrer le passage du temps,
à travers le rêve de la femme, laissant la possibilité au spectateur de la
rencontre entre les personnages et du rêve.
Legros Fanny, 2012-2013
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