Fiche technique de l'œuvre:
-Support: une installation
vidéo, cinq films de 26', bande-son, planche de Go de 220 x 220 cm,
quatre-vingt-dix pions, cinq écrans TV, cinq lecteurs DVD, ampli, enceintes
-Realisation: Jean-Claude Guillaumon
-Production : **
-Date: 1993
-Visibilité sur internet: www.dda-ra.org/fr/oeuvres/GUILLAUMON
-Condition de diffusion et d’exposition: Centre
d'art contemporain - Synagogue de Delme
-Langue d'origine: langue française
Jean-Claude Guillaumon est un
artiste performer et photographe. Il a fait parti du mouvement Fluxus dans les
années 70. Le sujet unique de ces œuvres est sa propre personne. D’ailleurs, il
se prend en photo tous les matins pour ensuite rendre compte de son évolution
dans le temps. Ainsi dans ces œuvres photographiques il met en scène son sujet,
lui-même, dans des positions ironiques, souvent pour nous raconter, je cite,
« des choses de l’humanité, sur
l’art ». Ainsi dans chacune de ses œuvres il nous pose le problème de
l’identité, de sa propre personne et de ces personnages qu’il met en scène. Et
cette installation illustre parfaitement cette problématique.
Nous pouvons notamment
remarquer que dans le titre de son installation la personne et le personnage
sont dissociés. Ainsi, nous analyserons dans un premier temps, que cette
installation représente une partie entre deux personnages d’un jeu de go. Et
enfin dans un deuxième temps nous découvrirons qu’à travers ces personnages on
découvre une véritable mise en scène qui dévoile la personnalité de Jean-Claude
Guillaumon.
Jean-Claude
Guillaumon, pour cette installation c’est en fait inspiré d’un livre. Ce livre
est une chronique d’une partie de go jouée en 1938, écrite par Kawabata
Yasunari. Ainsi pour comprendre l’œuvre il nous faut faire un bref résumé de
cette histoire. Cette partie de go confronte alors un vieux maître traditionnel
et un des jeunes joueurs les plus doués de sa génération que Jean-Claude
Guillaumon appelle « l’outsider ». L’auteur va ainsi opposer deux
styles de jeu de go : le go comme l’art traditionnel et le go comme
activité professionnelle. Et dans cette partie c’est la modernité qui va
l’emporter sur la tradition. Et Jean-Claude Guillaumon va représenter cette
dernière partie de go dans son installation.
Ainsi nous allons nous
demander comment l’artiste a adapté cette dernière partie de go. Nous pouvons
voir qu’il surtout joué sur la mise en scène de son installation. Il y a en
effet une planche de go très grande avec ces pions. Ceux-ci ont été placés de
la même manière que celle du livre à la fin de la partie. Nous voyons
notamment, au-dessus de la planche de jeu, cinq écrans de télévision. Sur ces
écrans on peut voir les deux joueurs jouer une partie de go. Sur l’écran du
centre on voit une planche de go sur le dessus avec le déplacement des pions.
C’est comme s’il y avait des caméras pour surveiller que les joueurs ne trichent
pas. Et cela donne de l’importance à la partie qui est en train de se jouer
sous les yeux des spectateurs. De plus, les écrans et la planche de go se
complètent car, sur la planche on voit la fin de la partie et sur les écrans on
voit la première partie du livre. Ce genre de mise en scène peut nous faire
penser à d’autres mises en scène faites par d’autres artistes. Nous
pouvons penser alors à la mise en scène d’une scène de crime Simulacre de massacre, 1985, de Jacques
Donguy qui reprend donc comme Guillaumon, plusieurs éléments comme la
photographie et le panneau pour créer un simulacre d’un évènement. On peut
aussi comparer le travail de Jean-Claude Guillaumon à celui de Fontcuberta. En
effet, lui est aller plus loin dans sa mise en scène avec son œuvre Fauna, 1987, il met en scène une fausse
recherche scientifique dans un musée d’histoire naturelle.
A présent nous allons
plus observer les vidéos où Guillaumon se met en scène dans divers personnages.
En effet dans la deuxième télévision on peut voir le maître qui imberbe et dans
la quatrième on voit l’outsider qui est barbu. Dans un descriptif de l’œuvre
faite par l’artiste lui-même, il dit que le maître au début est « calme et
serein » et qu’au contraire l’outsider est « fébrile ». Nous
pouvons remarquer que Jean-Claude Guillaumon s’est positionné dans le champ des
caméras de manière à ce que les deux personnages se fassent face. De plus, sur
les écrans un et cinq, il diffuse en même temps des vidéos qui reprendraient
leur vie respective. De temps en temps les personnages semblent commenter leur
vie ou la partie de go. Cependant on n’entend pas le son de leur voix.
En effet la bande-son
n’étant pas la voix des personnages, elle est en réalité une bande-son de
percussion faite par Christian Fau. Ce fond sonore à beaucoup d’importance par
rapport aux spectateurs. En effet c’est surement le premier élément de l’œuvre
qu’ils perçoivent. Le son de percussion est un son qui contamine les œuvres
alentour et met celle-ci en avant. On peut parler ici de pollution sonore. On
peut supposer que les percussions vont au même rythme que les vidéos. Cela aide
le spectateur à rentrer dans l’œuvre quand il se retrouve face à la planche de
go et aux cinq vidéos. De plus, pour encourager l’aspect fictif de cette scène,
il fait en sorte que le spectateur soit emporté dans la ferveur du jeu. Peu à
peu, sur les écrans, le rythme s’accélère pour atteindre un sentiment tragique
lorsque le maître joue le seul pion qui va causer son échec.
Ce qui encourage
l’aspect fictif du simulacre de Jean-Claude Guillaumon, c’est aussi la
sur-présence de lui-même dans son œuvre. En effet, quand on regarde en détails
la multiplicité des personnages on remarque que chaque rôle est joué par
lui-même. De plus, il a mis sur chaque pion une photo de son visage. Nous
pouvons d’ailleurs remarquer que ce choix n’a pas été fait arbitrairement car
ils identifient à qui appartient le coup joué. Ce qu’on croit de loin être des
pions noirs sont en fait ceux de l’outsider que la barbe sur la photographie assombri
et les blancs ceux du maître. Pour comprendre sa démarche, il explique dans une
interview : « Après
avoir pratiqué le happening et la performance pendant 5 ans (de 1965 à 1970),
j'ai pris l'appareil photo pour me mettre en jeu et ne devenir plus qu'un
acteur fixe et muet. À partir de 1980, je me suis multiplié dans des
compositions photographiques pour jouer tous les rôles du genre humain.
L'humour et la dérision, omniprésents dans ce travail, sont les seules façons
de détruire la vanité de la représentation de ma propre image : je joue ainsi
le rôle de l'homme ordinaire, mais aussi celui de l'artiste, de sa place dans
la société, en référence à l'histoire de la peinture. ». Nous pouvons
d’ailleurs noter que l’autoportrait est un thème récurrent dans les sujets des
artistes peintres comme par exemple pour Rembrandt où l’autoportrait est
presque devenu obsessionnel. Cependant,
ici Jean-Claude Guillaumon s’utilise pour faire les portrait de ces personnages
et non pas pour parler de lui-même. On peut penser que par-là il se moque du
narcissisme des artistes, il nous montre bien cela dans beaucoup de ces œuvres
comme une série de photographies qui s’appelle Peintre en pied, de 1991. D’autre photographe, font des portraits
d’eux-mêmes tourné en dérision, comme Man Ray avec sa photographie Self-Portrait with Gun, de 1930.
Pour revenir aux
vidéos Jean-Claude Guillaumon, dans son descriptif, avoue qu’à travers ces
personnages se cache une véritable implication personnelle. En effet, il a
mélangé la fiction à sa propre vie. Sur la première et la cinquième télévision
il a donc, comme dit précédemment, tenté de créer deux vies différentes, une
pour chaque joueur. En réalité, il a construit ces deux histoire à partir de
photos de sa propre vie et en intercalant de véritable faits historique,
politique des années cinquante aux années quatre-vingt-dix. Il s’est donc servi
de faits réels pour construire ces deux vies fictives le plus crédible
possibles. Quant à l’omniprésence de Jean-Claude Guillaumon dans son œuvre, on
peut dire qu’à travers cette histoire de
jeu de go il se définit lui-même. Toujours égal à son travail de se mettre en
scène et de tourner en dérision ces personnages.
Pour conclure nous pouvons dire que Jean-Claude
Guillaumon, à travers cette installation, nous offre une diversité de travaux à
la fois sur ces personnages fictifs et sur sa propre personne. Nous pourrions
penser que l’artiste se sert de sa propre vie et de sa propre expérience comme
fondation à la création de ces personnages.
Candy COLLECCHIA, Licence 1ère année, 2012-13
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